Revue de Presse

 

 

 

Bin El Widyène

de Khaled Barsaoui

Lors de la cérémonie de son mariage forcé avec Ikbel, Aïcha fait volte-face et s’enfuit avec
Mahdi, le jeune homme qu’elle
aime. S’ensuit alors une course-
poursuite effrénée qui,en les
conduisant sur les lieux de leur
enfance,les mènera aux origines
de leur déchirement.
Aicha et Mahdi s’aiment
depuis leur tendre enfance.
Mahdi a dû quitter le pays après
son arrestation et son renvoi de
la faculté.Ikbel,le fiancé bafoué,
ancien pilote d’hélicoptère congédié
de l’armée et converti dans
les affaires se jure de retrouver
seul les fuyants. S’étant fait
semer par les deux amoureux
et cerné et poursuivi par la police,
Ikbel, dans un ultime acte
de désespoir,s’empare d’un hélicoptère
et tente d’anéantir les
fuyards.La fin tragique de Ikbel
n’en sera que le fatal dénouement.
Bin El Widyène, premier longmétrage
de Khaled Barsaoui,
n’est pas uniquement une histoire
d’amour triangulaire,l’histoire
d’amour et de mort n’est
qu’un prétexte à un voyage introspectif
dans l’âme tourmentée
des protagonistes qui se renvoient
tour à tour leur succès et
leur déboire, leur amour et leur
haine et qui s’entre déchirent
jusqu’à la mort… La coursepoursuite
ne sera alors que le
prétexte à ce voyage dans l’espace
qui devra les renvoyer sur
les lieux de leur enfance,de leurs
souvenirs, axes essentiels de
leur maturation psychique et
sociale.
Acteurs : Ahmed El Hafiène, Moez El G’diri,
Nadia Boussetta, Lotfi Dziri, Halima Daoud,
Jouda Najah,Hédi Zoghlami,Ali Khémiri,Ryadh
Hamdi,Najwa Zouhir,Karim Kéfi, Nadia Labib.
Avec la participation amicale de : Néjia
Ouerghi,Salah Miled,Mohamed Mediouni et Ali
Mosbah
Producteur exécutif : Noureddine Ouerghi
Directeur de production : Meimoun
Mahbouli
Costumes : Mostafa Ben Attia
Décors : Mohsen Raïs
Directeur de la photographie : Belgacem
Jelliti
Cadreur : Mohamed Maghraoui
Ingénieur du son : Moez Cheikh
Mixage : Nasreddine Haddad
Scripte : Henda Bouhaouala
Assistant-réalisateur : Elyès Zrelli
Musique : Rabi’i Zammouri
Chef Monteur : Arbi Ben Ali
Adaptation des dialogues : Noureddine
Ouerghi
Conseiller à la production : Lotfi Layouni
Conseiller artistique et coaching : Jamal
Madani
Conseiller musical : Ali Saidane
Fiche technique
La Presse Magazine - N° 987/ 10 septembre 2006 P. 3
EN COUVERTURE
Entretien avec Khaled Barsaoui
«J’irai là où il y aura des gens
qui veulent voir du cinéma»
Il fait partie de la génération
entre deux périodes
clés du cinéma tunisien.Celle
des débuts des années 90
qui a fait la gloire de notre
cinéma d’auteur et celle du
nouveau millénaire, toute
jeune qui tente avec beaucoup
d’endurance de créer
une nouvelle image. Né en
1955, Khaled Barsaoui est
le cinéaste au parcours atypique.
Son passage par la
Fédération tunisienne des
cinéastes amateurs a fait le
déclic dans son parcours.
Son passage au cinéma professionnel
n’était pas de toute
facilité.Et c’est à travers un
parcours de plus d’une dizaine
d’années parsemé de
courts-métrages,de films de
commandes et de spots qu’il
a pu passer enfin à la réalisation
de son premier longmétrage.
Un film qui a mis
du temps à voir le jour.
À l’occasion de la sortie
de son film dans les salles,
Khaled Barsaoui nous révèle
ses angoisses, ses rêves
et les périples de ce film qu’il
considère une entreprise à
risque. Entretien.
Comment se fait-il que
vous avez attendu aussi
longtemps pour faire
votre premier longmétrage
?
« Sincèrement,je ne pouvais
pas faire autrement, je
suis un self maid man et,
durant tout mon parcours,
j’ai essayé de me persuader
moi-même que j’étais capable
de prendre le risque d’une
production et de la réalisation
d’un long-métrage.C’est
peut-être une hésitation qui
m’a mené à enchaîner des
courts-métrages,et ces expériences,
à chaque fois,répondaient
à certaines de mes
préoccupations et me rassuraient
quelque part.Il faut
dire les choses comme elles
sont. Je ne suis pas particulièrement
accepté dans le
milieu cinématographique
tunisien et j’ai toujours
essayé de me chercher une
certaine légitimité malgré
les nombreux films que j’ai
réalisés depuis 90 sans parler
des trois courts métrages
amateurs que j’avais réalisés
à la FTCA».
Quel était alors le
déclic qui a fait que
vous avez pris votre
courage à deux mains
pour faire Bin El
Widyène ?
« Le passage n’a pas été
brutal entre les courts et ce
long-métrage,il y a eu avant,
La fille du kiosque qui est
un téléfilm que j’ai réalisé
en 2002. Ce téléfilm était
une sorte de saut dans le
vide,une confrontation directe
avec le long-métrage.
C’était une répétition et un
exercice qui m’a permis de
réaliser que c’était possible
et que c’était le moment.
Cette expérience m’a endurci
et m’a permis d’affronter
avec détermination une production
cinématographique
de long-métrage. Bin El
Widyène est pour moi un
moment de confiance en soi
et une phase de maturité ».
Entre « presque un
rêve» et ce dernier
film nous avons senti
un attachement particulier
pour la période
des années 70.
« Ces années-là sont une
étape charnière dans le
monde et dans notre pays.
C’est la période de la
construction de la société et
de la vie après l’indépendance.
C’est aussi ma génération
qui est née avec l’indépendance
et qui a mûri à
cette période. Ce sont les
années de la maturité politique
et culturelle.
L’Histoire m’intéresse
beaucoup, ça donne de la
texture au récit et dans mes
films, j’essaye de faire une
réflexion sur le cinéma
comme dans Bin El Widyène
par exemple, ma référence
est claire au cinéma de
Hitchcock ».
Côté forme,le film crée
une combinaison entre
la romance avec cette
histoire d’amour et le
film d’action avec cette
poursuite en hélicoptère,
est-ce un choix
commercial ?
«Pour moi le cinéma
dépend de son propre marché,
j’ai perdu aussi toute
illusion dans la coopération
nord-sud qui nous tourne le
dos et je reste profondément
attaché au cinéma populaire
qui s’adresse à son public
local sans tomber dans le
populisme et le racolage.
Mon film est un faux film
d’action car les dimensions
politique, sociale et psychologique
restent toujours les
éléments de base qui interpellent
les spectateurs ».
Comment s’est fait le
choix des comédiens
surtout que vous avez
misé sur deux acteurs
pas connus dans le
cinéma ?
« C’était la chose la plus
difficile.Et je suis parti d’un
constat simple. En regardant
les films tunisiens
j’avais l’impression de voir
le même film à cause du casting.
Se sont toujours les
mêmes visages qu’on retrouve
dans chaque production.
Je voulais être plus au moins
novateur dans la forme bien
que je n’aie rien inventé et
je voulais des visages nouveaux
qui seront disponibles
pour le film ».
Dans ce film, l’espace
semble être un personnage
à part entière.
« Le film part dans deux
sens. Le premier est temporel,
le second est spatial.
Dans ce road movie et cette
évocation du passé, au fur
et à mesure qu’on avance
dans l’espace,on revient sur
les traces du passé.Les lieux
sont un espace de jeu et un
témoin de l’histoire qui n’ont
rien à voir avec l’image touristique
».
Le film est passé par
beaucoup de difficultés
faute de budget,
comment vous vous en
êtes sorti ?
« Le tournage s’est fait
en 6 semaines,ce qui est très
court pour un long-métrage
dans les normes. Je n’ai
eu que la subvention du
ministère de la Culture et
j’ai essayé de m’adapter aux
moyens du pays et à ses compétences
locales C’est un
film fait entièrement par
des Tunisiens avec de l’argent
tunisien, sans aucune
aide étrangère. Je mise par
ailleurs,beaucoup sur la sortie
du film qui fait partie
des difficultés dont je ne suis
pas le seul à en souffrir. En
l’absence de distributeur qui
voudrait prendre en charge
en partie la sortie commerciale
et être un véritable partenaire.
Je distribue seul
mon film dans quatre salles
de Tunis. Et je me déplacerai
volontiers dans les régions
même les plus reculées là
où il est possible de faire
une projection.J’offrirai aussi
des projections gratuites
dans plusieurs lieux de
Tunisie, et là où il y aura
des gens qui veulent voir du
cinéma.
Propos recueillis
par Asma Drissi
P.4 La Presse Magazine - N° 987/ 10 septembre 2006
EN COUVERTURE
Ahmed Hefiène (Mehdi)
Envol pour de nouveaux horizons
Son visage n’est pas inconnu
du grand écran. Jeune premier
dans plus d’un film tunisien
depuis Keswa de Khalthoum
Bornaz, Le chant de la Noria de
Abdellatif Ben Ammar, Bedwin
hacker de Nedia El Feni, El kotbia
de Naoufel Sahib Ettabaâ
et enfin Poupées d’argile de Nouri
Bouzid. Ahmed Hefiène n’est
pas étranger à la caméra bien
que sa formation et ses débuts
au théâtre lui avaient valu beaucoup
de succès.
Sa rencontre avec Khaled
Barsaoui ne date pas d’aujourd’hui.
Leur collaboration sur une
production sud-africaine en 90
ne l’a pas laissé indifférent.Une
rencontre qui a donné ses fruits
quelques années plus tard pour
le premier long-métrage de ce
réalisateur.
«Ce film est une rencontre surprenante,
une aventure nouvelle
dans laquelle on s’était tous
investi». Pas du tout évident de
tourner un long-métrage en six
semaines. Il fallait gérer l’énergie
des partenaires et être dans
l’efficacité la plus extrême pour
ce road movie assez mouvementé.
«Bin el widyène est un pari
que nous avons tous gagné grâce
à une équipe motivée et impliquée,
chose qui a donné une direction
nouvelle à notre cinéma.
D’ailleurs, mon travail avec un
réalisateur comme Khaled
Barsaoui est assez motivant,basé
sur la confiance et l’écoute, laissant
une grande part à l’intelligence
du comédien» nous confiet-
il.
Bin el widyène est un genre
cinématographique qu’il n’a pas
pratiqué auparavent et le personnage
de Mehdi,bien qu’il ressemble
à un des personnages
qu’il a déjà interprété le fascine
encore aujourd’hui. «Mehdi
est une partie de moi, dit-il, une
partie que j’ai très vite identifiée
et aimée, c’est un personnage
qui m’a rapproché de toute
une génération avec des sentiments
controversés, l’amour, la
dévotion,l’engagement politique
et les grands idéaux».
Et bien que nous ne l’avions
vu que rarement sur les planches
et après une longue absence de
6 années du théâtre, le 4e art est
toujours là, à alimenter son jeu,
«il me mène vers la performance
et le dépassement».
«Jeune premier» du cinéma
tunisien depuis quelques années,
voilà que le cinéma italien le
sollicite. Une nouvelle perspective
s’offre à ce comédien qui
cherche ses références entre
Aïssa Harrath et Jean Maria
Volante.
A.D.
Les comédiens
Trois destins
et une fin tragique
Une histoire d’amour triangulaire
comme on en pourrait voir
souvent dans les films.Une femme
convoitée par deux hommes. Le
choix n’est jamais facile entre
l’amour passion et l’amour tendresse.
Ce sont des choses de la
vie qui ne sont pas évidentes.Pour
Bin El Widyène,Khaled Barsaoui
a misé sur de nouveaux visages
frais et inédits. Nédia Boucetta
pour le rôle de Aïcha et Möez
Guediri dans l’amoureux fou et
suicidaire,un duo associé à Ahmed
Héfiène dont la présence fréquente
dans le cinéma tunisien le prépare
pour une carrière de comédien
en Italie.
La Presse Magazine - N° 987/ 10 septembre 2006 P. 5
EN COUVERTURE
Moez Guediri (Ikbel)
Dans la peau du méchant
La rencontre s’est faite de la
manière la plus classique :un casting,
une simulation dramatique,
un essai sur des sentiments extrémistes
du personnage et une
recherche d’une agressivité dans
le regard. Möez Guediri semblait
fait pour le rôle de Ikbel.
«La technique de Khaled
Barsaoui m’a beaucoup intéressé,
son choix de ne pas donner le scénario
à lire que quelques jours avant
le tournage, m’a permis de me faire
ma propre idée du personnage».A
partir de ce moment-là Möez Guediri
a entamé une recherche sur la psychologie
du personnage et sur la
technique de jeu qui serait la plus
appropriée.
Khaled Barsaoui demandait en
fait, que le comédien prenne en
charge son personnage et que l’apport
du comédien soit présent.
Sortant de l’Institut supérieur d’art
dramatique, Möez Guediri, comédien
qui vient du théâtre,s’est trouvé
pris dans le jeu de la composition,
un jeu difficile à grand risque,
les risques des dérapages et la peur
du sur jeu.
Möez Guediri,conscient de l’importance
de cette première expérience
cinématographique nous a
confié son état lors du tournage.
Pour lui,Ikbel présente trois phases
dramatiques : un premier état
ambigu et taciturne, celui du délire,
jusqu’au suicide final.
Pour lui,Bin El Widyène est une
chance qui est venue au bon moment
«Je ne pouvais pas me permettre de
rater cette occasion, le personnage
est complexe et composé, ce qui est
essentiel dans le film». Le théâtre
reste par ailleurs prioritaire pour
lui. Un travail de scène qui s’inscrit
dans une expérience de théâtre
de laboratoire qu’il a déjà entamé
avec «hydrogène» une première
création qu’il signe en tant que metteur
en scène et comédien.
Le rêve de Khaled Barsaoui l’a
habité, et c’est essentiel pour lui
de porter le message du réalisateur
pour ne pas être un simple
exécutant d’idées et porter à l’écran
l’imaginaire de l’auteur. C’est un
défi qu’il a relevé en allant jusqu’au
bout de ses limites dans la scène
finale du film.
A. D.
Nédia Boucetta (Aïcha)
Une fille qui ne vient pas de nulle part
L’histoire de cette jeune
femme de 23 ans avec le
cinéma a commencé sans
éclat.Comme beaucoup de
jeunes de son âge, l’amour
du cinéma s’est fait à coup
de cassette vidéo et des soirées
entre copains avec des
discussions à n’en plus finir
sur le 7e art.Le «vidéo club»
de son quartier de jeunesse
à Bizerte était sa caverne
d’Ali Baba et la consommation
des films de tout
genre était son passe-temps
favori. Pour cette fille de
profs,le rêve du grand écran
ne lui passait pas par la
tête bien que son physique
et sa sensibilité la prédestinaient
à une carrière cinématographique.
Quelques pubs par-ci,
de la figuration par là,mais
ceci n’avait rien de sérieux.
C’était juste un jeu qui permettait
à l’étudiante de
gagner un peu d’argent de
poche.
Arrivée à Tunis,son bac
en poche, un autre cinéma
se présentait à elle, et elle
découvre qu’un autre cinéma
pouvait exister mis à
part le modèle hollywoodien.
Son départ à Paris pour
des études lui a fait réaliser
qu’elle faisait fausse
route et que les études de
langues n’étaient pas sa
tasse de thé.Et c’est en fait
le cinéma qui la faisait rêver.
La rencontre avec Khaled
Barsaoui tombait à pic, Il
remarque sa prestation
dans une des épisodes de
la sitcom Chez Azaiez, un
passage de quelques
minutes l’a décidé. Ce sera
elle, Aïcha, avec sa bouille
infantile et sa fraîcheur.
Un rôle qui lui va comme
un gant malgré son manque
d’expérience.
Nédia Boucetta ne vient
pas de nulle part,ses rêves
de cinéma sont d’autant
plus solides et sérieux.
Après deux années depuis
le premier tour de manivelle
de Bin El Widyène,
un mariage d’amour et un
bébé. Cette jeune mère est
déterminée plus que jamais
à vouloir laisser une trace
devant ou derrière la caméra.
Elle écrit des nouvelles
et appréhende de passer
au scénario et à la réalisation
qui fait partie de ses
rêves.
Aïcha, le personnage
qu’elle interprète la réconcilie
avec l’histoire de ses
parents, ces soixante-huitards
qui lui ont transmis
les grands principes.
Bin El Widyène l’a fait
vivre une période qu’elle
n’a pas vécu avec ses idéaux
et ses belles idées, des histoires
qu’elle n’arrivait pas
à comprendre dans sa jeunesse
et qu’elle tournait en
dérision. Aïcha lui a fait
voir les choses autrement
et à vouloir croire en
quelque chose,à participer
à des projets porteurs avec
une grande envie d’apprendre.
Après Bin El Widyène,
Nédia boucetta a joué dans
le court-métrage de
Mohamed Ben Becher Le
Bonheur qui fait partie de
la collection 10 courts, dix
regards et dans le courtmétrage
Le dépôt de Lotfi
Achour.Nédia Boucetta ne
vient pas de nulle part,elle
commence sûrement un
projet de carrière.
A.D.



 

Le Septième Art

 

 

Samedi 30 Avril 2006

 

 

A la Une

Mercredi 30 août 2006




Long métrage de Khaled Barsaoui
l'amour, la mort, la vie .....

Une foule peu habituelle, le plein de l'amphi d'Hammamet, pour cette Première de " Bin El Wedyane " de Khaled Barsaoui, celui qui nous a habitués à des courts métrages, et qui a récolté pas mal de prix.


Il s'est lancé dans le bain et tapé du pied dans la fourmilière du conformisme et du consensuel : enfin un film qui parle des " zérohuit " fait par un des leurs, avec leur accent, pas celui qu'on imite mal dans les studios des feuilletons citadins, un film où les tabous volent en éclats, où on voit de vrais baisers de tendresse et d'autres vraiment fougueux, comme les gens s'embrassent dans la vie, sans camoufler tout cela dans un fondu enchaîné cache-misère, un film où le vin est servi dans les bars, comme dans le quotidien, dans chaque ville, autour de nous. Tant pis pour tous les frileux qui détourneront les yeux et pour les réactionnaires qui trouveront dans tout cela trop facile matière à dénigrement........

Un film qui nous sort de la sempiternelle histoire d'héritage, d'escroquerie familiale, de la vision réductrice de la femme soumise ou en louve déchaînée, du happy-end à l'égyptienne, des éternels décors de grosses villas cossues, et des mêmes têtes qui jouent les mêmes rôles avec les mêmes mimiques depuis des années. Il parie sur de nouveaux visages, des non professionnels, un travail réalisé entièrement par des tunisiens, et avec un tout petit budget. Il ose, en plus, montrer une femme qui dit " non " à l'autorité, à la morale dominante, qui ne tient pas compte du " scandale " encouru, juste parce qu'elle aime un homme, et qui est capable de tout laisser en plan au moment de la signature de son acte de mariage, pour partir, au vu de tous, avec l'homme qu'elle aime.

Le scénario ? Les flammes d'une passion dévorante. Donc de l'amour fou à la jalousie morbide et de la mort inévitable. Trop simple ? Pensez-vous !! Connaissons-nous vraiment ce qu'est la passion qui nous mène à la folie destructrice et ne la confondons-nous pas, par un raccourci qui nous arrange bien, avec une amourette de fin d'acné juvénile ?? Allez voir ce qui se passe dans les neurones d'une Phèdre éperdue pour son beau fils, d'un Cid fou de Chimène, ou de Antara et son amour sans bornes pour Abla .

Abdellatif Ben Ammar, celui qui a toujours été aux côtés de K.Barsaoui, a longuement ovationné le film, sera des premiers à soutenir que " l'intrigue n'est évidemment qu'un prétexte ". Ici elle sert de tremplin pour un plongeon dans la mémoire pas si lointaine, vers " l'ombre de l'olivier de l'ancêtre ". Justement, le flash-back est utilisé comme outil pour nous montrer quelques instants furtifs du passé, des images des chênes lièges gardiens des lieux, et du reste. Khaled obsédé par le thème de l'enfance, hanté par la mémoire, ne peut s'empêcher d'y revenir pour donner des clés de la haine féroce de Ikbal envers Mehdi, car c'est l'unique obstacle qui l'empêche de posséder Aïcha, sa cousine, qu'il tente, même, d'acheter s'il le faut à tout prix, en lui cédant toute sa fortune, lui qui a justement bâti cet empire pour se venger des humiliations subies, des blessures du passé qui réssurgissent à travers les jeux d'enfants ou les sorties d'école qu'on revoit en noir et blanc. La revanche sociale par le pouvoir du fric avec lequel il croit tout avoir, même l'amour de sa belle. Et puis le désarroi de celui qui perd tout et qui débouche sur l'irrationnel.

Dire l'essentiel

Nulle part ce manichéisme, entre le bon Mehdi et le mauvais Ikbal. L'un a ce profil du jeune anti-conformiste qu'on a envie d'être, sans plus, l'autre veut récupérer sa bien-aimée qui vient de le planter devant le maire !! Mettez vous à sa place. Seriez vous assez fair-play pour dire : " bon elle l'aime, laissons les vivre leur passion ", ou allez vous disjoncter comme lui et devenir cet obsédé hystérique qui veut atteindre l'unique objectif de sa vie. Qui a fait attention à cette scène où Ikbal, aux abois, finit par se mettre à genoux devant Aïcha ? Un moment de faiblesse, d'humanité, ou un monstre qui cache son jeu ?

Le drame, " c'est la vie débarrassée des moments ennuyeux " disait Hitchcock à qui Barsaoui fait un clin d'oeil en montrant sa massive silhouette. C'est ce que filme Barsaoui, en laissant les forfaitures de côté. Dans une peinture, une oeuvre littéraire ou un film, ce n'est pas l'objet qu'on peint, qu'on décrit ou qu'on filme qui est important, mais la manière de le faire, qui provoque ou non l'émotion. Tout le secret de l'art est là, pour dire une lapalissade. D'où cette magistrale maîtrise technique pour mettre en boîte toutes ces scènes, tournées sans aucun effet spécial : des prouesses du pilote de l'hélicoptère, à la scène si pudique de nu derrière une vitre translucide, à la neige dans les rues de Aïn Draham, à la lumière du nord-ouest à travers les chênes-lièges ou en reflet sur l'eau.

Pour la musique, Khaled et Zammouri ont bien fait d'éviter le piège de la caricature de " gafla tsir ". Pour accompagner les images de la campagne qu'il aime, Barsaoui s'est appuyé sur Deep Purple, Janis Joplin et Creedence. On aurait apprécié parfois quelques percussions de tabla, et quelques souffles stridents de Khroumirie, des vocalises a cappella, en écho des appels de souffrance des femmes éprises.

Premier pas dans le long métrage. Filmé avec la fougue d'un regard neuf, " Bîn El Widyène " ouvre la voie au film d'action, tout en restant ce " certain regard " posé amoureusement sur ce nord ouest, de verdure et d'eau, ce quelque part d'où il vient, par cette route asphaltée qui le ramène comme un cordon ombilical aux origines, aux sources.

Fatah THABET

DAR ASSABAH

 

 

 

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